Le geste de Gwenn qui a sauvé la vie

C’est l’été et c’est d’actualité. Nous ne le dirons jamais assez : ne laissez jamais vos enfants sans surveillance dans l’eau que ce soit à la piscine, à la mer ou dans le bain, même deux minutes. Combien de fois je répète à ma mère quand je lui confie ma fille pendant les vacances : « Surveilles-la bien, ne la lâche pas des yeux et reste à côté d’elle dans la mer ». Je sais qu’elle en a marre que je lui dise tous les jours mais je préfère prévenir que guérir. Le récit de Gwenn, ci-dessous, est saisissant. Elle a été témoin d’une noyage, mais elle a également était actrice du sauvetage de cet enfant. A la lecture de cette histoire, je me suis posée, et me pose encore, la question de savoir si j’aurais réussie à réagir comme elle sans perdre mes moyens. Ce texte m’a choqué et sensibilisé. Bonne lecture !

« Vendredi 27 juin 2014 en après-midi. Nous sommes à la pataugeoire du parc Lafond à Montréal, V. (le petit garçon dont je m’occupe), François (mon conjoint) et moi. Clara, ma fille, est chez Ève, sa tante. Nous sommes sur le bord de l’eau lorsque François me signale les cris de la sauveteuse indiquant un accident. Je regarde à l’endroit qu’elle pointe juste en face, traverse la piscine et aperçois un enfant dans les bras d’une sauveteuse hurlant « Appelez 911 ! Appelez 911 ! ». Je regarde s’il y a du sang. Pas de sang. Je regarde le visage de l’enfant, il est presque bleu. Il est inconscient et mou. Je me dis qu’il est en train de se noyer. Je le prends dans mes bras, le tourne dos à mon ventre, presque parallèle au sol et, à plusieurs reprises, presse fort son ventre contre moi (méthode Heimlich plus ou moins). En fond sonore j’entends « Mettez-le à terre ! Allongez-le sur le dos ! Pressez au niveau du cœur ! Plus haut ! Faites-lui du bouche-à-bouche ». Je continue mon mouvement quelques secondes. L’eau sort. Beaucoup d’eau. Et un peu de nourriture aussi. J’entends « C’est bon il a vomi ! Il pleure ! » On me le prend des bras. Sa mère, qui jusqu’à présent hurlait et sautait, est presque évanouie au sol. Les gens lui crient de ne pas s’évanouir, lui jettent de l’eau au visage. Un homme va même jusqu’à lui mettre des claques assez fortes. Je lui somme de s’arrêter. Je demande qu’on me passe une serviette pour qu’elle puisse s’étendre et poser sa tête. Je lui parle tout bas, lui caresse le front, l’informe que son fils est vivant et qu’elle peut aller le voir. Les personnes présentes l’aident à se déplacer. Elle se retourne et me signale alors qu’elle a un autre enfant plus loin, un bébé. Le poupon en question semble entre de bonnes mains, une femme présente avec ses enfants s’occupe de lui. Un peu plus tard il sera reconduit à sa mère. François me rejoint avec V., me félicite, m’embrasse. J’explose en larmes.

Pas certaine que c’est la voix de la sauveteuse que j’ai entendue durant mon intervention, je me dirige vers elle et lui demande si c’était bien elle qui était à mes côtés. Elle me répond que oui, mais qu’elle n’a rien pu faire car la mère lui a pris l’enfant des mains, qu’elle ne pouvait pas le mettre au sol. Elle a les larmes aux yeux. S’agissant d’un étouffement par l’eau, d’une suffocation, je m’interroge quant à la pertinence d’un massage cardiaque, d’un bouche-à-bouche… Je n’arrive pas à comprendre ses arguments. Je m’énerve après elle, je demande à François que l’on s’en aille. La pataugeoire est évacuée.

Nous restons au parc. Je réalise alors ce qui vient d’arriver ; j’ai sauvé la vie d’un petit garçon… François avertit la police que s’ils souhaitent me parler je suis disponible. Je rejoins les ambulanciers, pompiers et policiers. J’attends quelques minutes. Durant ce moment, la mère du garçon me demande si je peux emmener son bébé, conduire sa voiture et suivre l’ambulance jusqu’à l’hôpital, pour qu’elle puisse être dans l’ambulance auprès de son petit garçon. Malheureusement je n’ai pas le permis de conduire… S’ensuivent une énumération de plusieurs possibilités : soit elle me confie son bébé, soit, en état de choc, elle suit l’ambulance, soit il faut trouver un moyen de mettre le siège-auto dans l’ambulance, soit un autre ambulancier prend le bébé avec lui… La policière souhaite alors me voir. Je lui narre mon récit. Elle ne semble intéressée que par la part de responsabilité de la mère du petit garçon et par son stylo qui bave sur sa main… Devant le manque de réponses que j’ai à lui fournir, elle écourte la discussion. Ce sera elle, finalement, qui emmènera le bébé à l’hôpital, réalisant qu’elle n’a pas besoin de la base pour installer le siège-auto dans son véhicule.

Oui je suis en colère après la sauveteuse, parce que c’est son métier, elle est formée et embauchée pour ça ! Oui j’ai de la misère à comprendre le comportement des gens lors de tels drames ! Parce que j’avais peur de passer pour une vantarde qui veut se faire mousser et se rendre intéressante, parce que je ne suis pas encore tout à fait certaine que sans moi ce petit garçon serait mort (et je ne veux pas de réponse à cette question) je n’étais pas certaine de vouloir exposer publiquement cette expérience. Après coup, je pense que l’écrire, la relire plus tard, la partager, échanger à ce sujet me fera du bien. Parce que ce soir je me sens un peu bizarre et aussi parce que je suis fière de moi.

Je remercie Educasoins pour le fabuleux cours de premiers secours que j’ai suivi il y a quelques mois. Je remercie les personnes qui ont compris que le petit garçon ne s’est pas mis à vomir et cracher l’eau de ses poumons de façon magique et qui sont venues me remercier, m’embrasser, me féliciter. Je remercie mon amoureux de me traiter en héroïne depuis quelques heures. Je remercie Ève pour les paroles et le Magnum réconfortants. Je suis heureuse de m’être écoutée, d’être restée centrée sur mes observations et connaissances. Je suis heureuse de m’être fait confiance. Je suis heureuse que ce petit garçon soit vivant. J’espère qu’il ira bien par la suite, et qu’il vivra heureux auprès de sa famille. Je suis heureuse parce que, au-delà de la peur que j’ai eue pour cet enfant, d’être témoin de cet événement, j’ai ressenti une telle empathie pour cette maman que je suis heureuse pour elle qu’elle n’ait pas à vivre l’innommable peine que représente la perte d’un enfant. En accompagnant ma fille dans son sommeil ce soir, je lui ai dit qu’aujourd’hui, avec le jour de sa naissance, j’ai fait la chose dont je suis le plus fière de mon existence.

C’était il y a un an. Quelques jours après avoir écrit ce texte j’ai eu des réponses à mes questions. Notamment en ce qui concerne les gestes appropriés à poser sur une personne noyée. Il est effectivement préconisé de l’étendre au sol, de lui faire un massage cardiaque et de ne pas la faire vomir. Ayant réalisé que je n’avais pas posé les bons gestes j’ai eu beaucoup de difficultés à m’endormir les jours suivants. Un ami m’a conseillé d’aller en parler aux pompiers du quartier. Ce que j’ai fait. Ils ont été extrêmement rassurants. Ils m’ont conseillé de ne jamais me laisser dire que je n’avais pas bien fait. Si je n’étais pas intervenue, ce petit garçon serait sans doute mort. Mon geste, aussi maladroit soit-il, l’a sauvé. En le renversant, en le mettant face au sol dans mes bras et en appuyant vivement sur son abdomen j’ai relancé son cœur si celui-ci s’était arrêté. En faisant sortir l’eau de son corps je lui ai permis de respirer à nouveau. Ils m’ont dit de ne jamais douter d’être fière. Le papa du petit garçon en question a indiqué sur Internet que la maman était en train d’allaiter son petit bébé hors de la piscine. Alors que l’an passé les sauveteurs de cette pataugeoire s’obstinaient à exclure de la petite piscine les parents ne portant pas de maillot de bain ainsi que les mères qui allaitent leur bébé, j’observe que cette année on nous fout la paix avec ça, et c’est beaucoup plus agréable et sécuritaire comme ça !« 

Et vous, comment auriez-vous réagi ?

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