une dépression

A l’annonce du décès de mon père et pendant les deux années qui ont suivi, je suis entrée dans l’engrenage de la dépression. Ce fut d’abord un léger étourdissement, puis un tourbillon pour finir dans un trou noir. Je ne comprenais pas bien ce qu’il m’arrivait, j’avais peur de dormir, peur de la nuit et peur de rentrer chez moi. Je venais d’accoucher de Louloute, j’étais heureuse de l’avoir enfin dans mes bras, et pourtant je n’avais qu’une envie : pleurer. Personne ne me comprenait, j’entendais des phrases inconcevables pour moi « mais pourquoi tu es triste ? bon ok ton père est mort mais tu as une fille maintenant ». Comme si une émotion pouvait en annuler une autre. Ce fut beaucoup plus compliqué que cela. Et pour ne plus entendre ces phrases, ne plus ressentir ces incompréhensions, j’ai fait semblant. J’ai fait semblant aux yeux de mon entourage, amis comme famille, que j’allais bien, en souriant, en essayant de rire aux blagues, en me forçant à me présenter à certaines réunions familiales. Mais mon esprit était ailleurs. Il était malheureux et avait envie de fuir cette vie.

J’ai d’abord beaucoup pleuré la perte de mon père, étant en désaccord avec mes émotions où se mêlaient tristesse, soulagement et joie, j’ai pleuré quasiment tous les jours pendant 6 mois. Mister n’arrivait pas à faire face à cette situation. Jeune papa de 25 ans à l’époque, il devait apprendre à être père et gérer une femme en dépression. Il pensait que « tout était dans ma tête » et qu’avec le temps cela finirait par se tasser. Au contraire, tout s’est accentué avec le temps. A force de ne pas être comprise par les gens qui m’entouraient et le fait que tout le monde prenait mon chagrin à la légère, je me suis repliée sur moi-même. Je n’en parlais plus qu’à ma psy de l’époque.

Alors pour palier à mon chagrin et à mes crises d’angoisse grandissantes, on m’a prescrit des cachets. Heureusement pour moi, je ne prenais pas de fortes doses car j’étais très dépendante. A la moindre contrariété, début de crise ou surmenage, je me tournais vers cet échappatoire, je l’avalais et je dormais. C’était le meilleur sommeil, profond, silencieux et sans mauvais rêve.

Cette dépression ne s’est pas faite sans dommages collatéraux. La première personne a avoir subi cet état sans rien avoir demandé fut Louloute. Je m’en veux tellement, et je m’en voudrai toujours. Je suis passée à côté de tellement de moments. Elle est née avec une maman qui a été incapable de lui donner le bain pendant un an et demi. Oui, j’avais peur de la faire tomber, qu’elle me glisse entre les mains, pas intentionnellement, je n’avais pas de pulsion de ce genre. Mais quand tu perds un membre si proche de ta famille, pour ma part mon père, tu te rends compte de la douleur profonde que tu peux ressentir en perdant un être cher et tu ne veux plus jamais que cela recommence. Du coup, j’évitais tout ce que je pensais ne pas maîtriser avec Louloute. Je ne voulais pas la perdre, elle était ma bouée de secours, même si elle n’a pas à supporter le poids de cette douleur. Si vous saviez, le mal que j’ai ressenti quand j’ai donné le bain à Touille quand elle est née. J’étais heureuse de découvrir le plaisir de ce moment de partage et en même temps je me suis rendue compte de ce à quoi je suis passée à côté avec Louloute. Parce que j’étais dans le coaltar, parce que je n’avais pas confiance en moi, parce que j’avais peur, parce que j’étais dépressive. J’ai culpabilisé.

La première année de Louloute, je ne supportais pas qu’on me l’arrache des bras sans prendre la peine de me demander. Sans compter le fait qu’on ne se gênait pas pour pointer du doigt toutes les erreurs que je faisais, je ne me sentais déjà pas très douée mais là j’avais l’impression d’être une mère pas à la hauteur. Cela me faisait très mal, j’avais la sensation de perdre à nouveau un être cher, mon bébé. Je le vivais comme une deuxième perte. J’avais l’impression que l’on me privait d’oxygène. Personne ne comprenait « oh mais tu es trop stressée avec ta fille ». C’est aussi ça la dépression, l’incompréhension. J’en parlais à Mister mais il ne comprenait toujours pas cet état. Le fossé se creusait. De couple heureux qui attendait un bébé, nous étions devenus des étrangers en quelques mois. A force de ne plus se comprendre, d’avoir mal, de me sentir seule face au monde entier, je décidais de partir avec ma fille sous le bras. Louloute avait 6 mois. C’était douloureux de constater un tel échec. La pauvre petite qui n’avait pas demandé à venir au monde se retrouvait avec une mère dépressive et des parents séparés. Finalement, Mister a pris conscience de ce qui était en train de se jouer. Nous avons recollé ce qui était entrain de se briser.

Le pic de ma dépression je l’ai atteint en avril 2011. Plus précisément jeudi 7 avril 2011. Il y avait un pot de départ au travail, une collègue prenait un poste sur Marseille. Depuis deux jours déjà, je ressentais des violentes crampes au niveau du ventre. Je n’arrivais pas à identifier la douleur. Et d’un coup, comme une massue, au bureau, les crises de douleurs redoublent, je commence à avoir des vertiges, je vomie et me met à faire une crise de tremblements. Mon corps m’a lâché. Mes collègues m’amènent à l’infirmerie. Un médecin m’administre du lexomyl, en plus des cachets que j’avais déjà pris le matin. Mes collègues téléphonent à Mister. Il vient me chercher, je suis somnolente, je m’endors sur le canapé. Je resterai ainsi deux jours entiers, sans presque pouvoir ouvrir les paupières. Mais au moment où Louloute, 1 an et demi, me dit « maman, viens, maman, viens » et Mister répondre « Non, laisses maman, elle est très fatiguée en ce moment, elle doit se reposer », là j’ai compris : ma fille ne méritait pas ça, et moi non plus. J’ai eu si mal de ne pas avoir la force de me lever et de la prendre dans mes bras à ce moment. Mais cela m’a fait comme une décharge, il fallait que j’aille mieux. Et c’est ce qu’il s’est passé avec les années.

Passer par cet état n’est pas évident, je suis contente de m’en être sortie, seule, je ne le dois qu’à moi. Louloute sera toujours rattachée à cet évènement, elle est mon oxygène comme je lui dis souvent, et à cela elle me répond « toi, maman, tu es mon poumon ». Cette période m’a endurcie, elle m’a laissé des séquelles. Je ne vous cache pas qu’avoir écrit ses lignes m’ont fait monté les larmes, noué la gorge et palpité le cœur. Il fallait que ça sorte.

Jul’

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