En devenant mère, je me suis rendue compte de beaucoup de choses concernant mes propres parents. J’ai compris qu’être maman c’est s’inquiéter à jamais pour son enfant, être le post-it de la maison, se souvenir où sont rangés tels ou tels jouets, ne pas oublier d’acheter les médicaments ou les couches, vivre avec un chrono pour être à l’heure à la sortie de l’école. Ce que je n’ai pas compris en devenant maman, c’est le manque, voire l’absence, de communication qu’il y avait entre mes parents et moi, l’absence de culture à me transmettre, les non-dits, l’autorité par la peur et l’enfermement quotidien. Nous étions trois et nous restions toujours ainsi : vacances, soirées, week-ends…
J’ai souvent expliqué que ce trio que nous formions n’était pas sain, et cela aussi je l’ai compris en devenant mère à mon tour. Mes parents s’engueulaient au quotidien devant moi, me prenaient sans complexe à témoin et souvent me demandaient d’être l’arbitre. J’ai longtemps défendu ma mère, que je croyais fragile, et il faut dire aussi que mon père était une personne vraiment imprévisible et angoissante. Ma mère et moi formions une sorte de duo dans lequel on pouvait se demander qui était la mère et qui était la fille. J’ai toujours pris le dessus sur ma mère, à la base pour la protéger, et puis c’est devenu comme une normalité, les rôles se sont inversés, comme si j’étais sa béquille. Elle s’appuyait toujours sur moi quand cela n’allait pas avec mon père ou avec d’autres personnes.
Et puis j’ai eu ma vie à vivre, avec Mister et mes filles. Et j’ai compris qu’on ne pouvait pas demander à ses enfants de supporter notre chagrin, nos mésaventures d’adultes et nos disputes. J’ai compris que les problèmes d’adultes doivent rester entre adultes autant que possible. Après deux années de dépression, j’ai sorti la tête de l’eau et j’ai décidé d’aller mieux, de ne pas me complaire dans le malheur. Il existe deux catégories de personnes : ceux qui veulent s’en sortir et qui se donnent les moyens, et ceux qui se complaisent volontairement ou involontairement en refusant d’avancer pour obtenir des bénéfices secondaires. En psychologie (c’est ma psy qui me l’a expliqué) la notion de bénéfices secondaires signifie : tirer un bénéfice (conscient ou non) d’une situation défavorable. Si cette situation s’arrête alors les bénéfices qui en découlent aussi. Par exemple : être victime (par rapport un échec, une situation de vie) et s’arranger pour trouver un public en permanence pour être à l’écoute et se faire plaindre, montrer son malheur, chercher la reconnaissance. Si la personne va mieux, alors il n’y aura plus de spectateur de son malheur, la personne en question le vivra mal.
Aujourd’hui j’ai ma vie de famille et je ne peux plus et ne veux plus entretenir la relation que nous avions quand je vivais sous le toit de mes parents. Je sais que ce choix crée des tensions et des rapports conflictuels mais maintenant que mon père n’est plus là, nous pouvons enfin vivre pleinement et sereinement nos vies, en tout cas c’est que je fais et tant pis si cela n’est pas accepté. On me reproche d’avoir changé et c’est tant mieux, la personne que je suis devenue me convient beaucoup mieux, je l’assume et j’avance. Peut-être est-ce difficile de voir son enfant lui échapper, de ne plus avoir d’emprise dessus, mais je me suis libérée de tout cela.
Et vous, comment sont vos rapports avec votre mère ?
Jul’